La naissance de mes filles en 2006 a marqué le point de départ du projet de la Boutique en ligne.
Plus exactement, les premières nuits de 6 heures de sommeil d’affilée ont permis à mon cerveau de générer une micro-idée : faire autre chose qu’allaiter, changer des couches, lessiver bodies et grenouillères et comater les bras en croix sur le tapis de la chambre de deux nourrissons vagissants.
Vous aimez les histoires ? Je vais vous raconter celle de Gemelline…
Un matin de mars 2007, à la suite d’une « supernuitdemarmotte » et projetant de changer la couche d’un de mes deux asticots, j’ai constaté qu’il ne restait plus que quatre lingettes nettoyantes au fond du paquet. A la vue des tâches jaunâtres suspectes que présentait le body jusqu’au milieu du dos de mon arsouille, je finis de me réveiller complètement et me lançai dans un rapide calcul mental : 8 changes par enfant, donc 16 changes. 2 lingettes par change si tout va bien, donc j’optimise : 32 lingettes. J’ai besoin de 32 lingettes pour aujourd’hui ! Et là, je regarde Charlène dans les yeux. Elle me répond par 4 petites bulles au coin de son sourire d’ange…Ouais, on est mal…on est même très mal, ma choupinette. Vu l’état de la couche, les 4 pauvres lingettes y sont passées. Très bientôt, il faudrait aussi changer Juju qui n’allait pas tarder à manifester haut et fort son inconfort.
Grace au sommeil réparateur, généreusement accordé cette nuit-là par mes petits tyrans domestiques, un semblant de clairvoyance et une dose homéopathique d’énergie me sont revenus. J’ai pris une bonne paire de ciseaux et décidé de sacrifier, sans une pointe de regret je l’avoue, les deux vieilles serviettes de bain Elle et Lui. Une renaissance pour ce linge de toilette hors d’âge. Un nouvel avenir s’ouvrait enfin à ces draps défraîchis. Ils préparaient leur entrée dans l’ère du développement durable….je m’enflamme et je m’égare.
Plus prosaïquement, ils ont fini en pile de 36 lingettes rectangulaires de la taille d’une main, finalement stockées dans une boite en plastique sur le rebord de la table à langer.
Il va sans dire que le papa des asticots a été briefé le soir même sur l’organisation du process « change ». Poubelle bleue, couche souillée, petite poubelle jaune, lingettes à laver.
A cette époque, la machine à laver tournait à plein régime. Un bac à linge pour les grands, un bac pour les petits. Celui des petits se remplissait à vue d’œil au fil de la journée. Toute fière, à chaque lessive consacrée au linge des filles, pour laquelle j’utilisais les paillettes de savon de Marseille, je rajoutais le contenu de la poubelle jaune.
Dès le 2ème jour, après avoir pourtant recompté au moins 3 fois, je constatai avec désarroi que la pile de lingettes propres était moins haute de 5 lingettes. Et le troisième jour, encore moins haute de 4 lingettes. J’ai promptement fait mon enquête pour trouver la raison de ces mystérieuses disparitions. Je commençai par accuser la machine à laver de manger les lingettes comme elle boulottait les chaussettes. (Je me demande encore souvent pourquoi je conserve précieusement les chaussettes célibataires dans une boîte dédiée, dans l’espoir de retrouver un jour leur moitié). Puis j’ai immanquablement soupçonné ma moitié à moi de ne pas avoir appliqué mes recommandations à la lettre et tout jeté sans distinction dans la poubelle bleue.
Résolue à lever le doute, je suis descendue à la cave, où nous stockions les sacs à ordures en attendant le passage des éboueurs. D’office, j’en ai débusqué deux en soulevant une peau de banane. Celles-ci avaient été certainement jetées par mon homologue masculin, qui ne prenait pas la peine de confiner les lingettes souillées dans un sac à couche subtilement parfumé (chacun sa méthode). Deux, seulement deux. Déception. Puis, par acquis de conscience, un à un, j’ai ouvert les petits sacs à couches roses, libérant ainsi leur parfum si délicat, à la recherche de mes lingettes disparues. Et, ô bonheur !, j’ai pu en sauver 4 autres ce jour-là.
J’étais donc majoritairement responsable de la volatilisation de nos outils de travail. Les serviettes Elle et Lui n’avaient pas fui devant leurs nouvelles responsabilités ni renoncé à la difficulté de la tâche. Elles avaient été simplement victimes d’un misérable automatisme typique de notre époque.
Le meilleur conseil qu’on m’ait donné, moi jeune mère inexpérimentée, était de mettre à profit toutes les plages de calme (c’est-à-dire les temps de sommeil diurnes des bébés) pour recharger mes propres batteries.
Ce n’était pas chose facile parce que les susdit poussins, bien que jumeaux, ne vivaient pas du tout au même rythme. Les bébés pouvaient être parfaitement synchrones pour pleurer, avoir besoin des bras ou de faire changer leur couche. Mon rêve était alors de me transformer en déesse multi-bras, genre Shiva. Mais elles savaient être parfaitement asynchrones pour faire la sieste.
L’une se contentait de mini-siestes de 30 minutes (une le matin et deux au meilleur des cas l’après-midi). L’autre, chez qui déjà j’entrevoyais le côté « marmotte » au moment de l’adolescence, atteignait outrageusement les 45 minutes le matin et explosait parfois les compteurs l’après-midi avec un exceptionnel « game over » de 90 minutes. A défaut de pouvoir aller me recoucher en même temps que mes filles, je devais donc m’asseoir sur toutes ces précieuses minutes. Mises bout à bout, cela représentait un volume astronomique, soit 2 heures et 15 minutes de tranquillité volatilisée.
N’étant pas de celles à renoncer, je laissai s’exprimer mon côté sombre et exploitai mes talents de manipulatrice. Je fis fi du rythme infernal imposé par mes poulettes. Il me fallut plusieurs semaines pour décaler progressivement leurs siestes et parvenir, deux fois par jour, au phénomène concomitant tant espéré : « plus de lumière, plus de son ».
Maman : 2. Galinettes : 0.
Je décidai finalement de mettre à profit cette fameuse parenthèse, non pour me reposer, mais pour explorer une nouvelle dimension : celle de maintenir le lien avec le macrocosme tout en restant cloîtrée dans mon microcosme. Internet m’a ouvert l’accès au World Wide Web.
Ou quand les trois W prennent le relai des trois N : Nip, Nap, Nappy*.
*(téton, sieste, couche)
Nous étions alors en 2007. Vissée à mon quotidien (pour faire court, une moyenne de 18 passages sur la table à langer et 2 lavages- stérilisations de 8 biberons), je remerciais Je-ne-sais-qui de n’être qu’une petite joueuse parmi les mamans de multiples. Je me tenais toujours coite et affichais un sourire entendu lorsque des femmes, quel que soit leur âge, me disaient en s’extasiant devant le contenu de la poussette : « Quelle chance vous avez, j’ai toujours rêvé d’avoir des jumeaux ! » J’étais tellement d’accord avec la première partie du propos ! Mais « je rêvais réalité » et ce n’était pas toujours joli joli. Heureusement, bien des années après « ma réalité m’a pardonnée ». Bon, c’est un peu Téléphoné, me direz-vous.
A peu près deux heures par jour, je m’évadais, je surfais, j’explorais et je tombai sur Ebay. Le site existait depuis presque dix ans déjà, mais (on ne se refait pas) je constatai une fois de plus que j’avais un, voire deux ou trois trains de retard. Mes mots-clés du moment : bébé, couches, portage, maternage. Devenir parent secoue la pulpe du fond, devenir parent fait progresser. La parentalité, c’est de la formation continue tout au long de la vie. Merci Youyou, merci Tchatcha, mes deux petits déclencheurs.
Au début, je m’amusais. J’achetais, surtout pour les filles : lots de bodies ou de chaussettes, grenouillères. Puis je commençais à vendre, un peu de tout, des livres, des cd d’occasion, des équipements de puériculture finalement inutiles…je faisais le tri, le vide. Loin de Christie’s ou Sotheby, tel un petit commissaire priseur, mais dépourvue de marteau, j’adjugeais le contenu de mes placards au juste prix par la confrontation transparente entre l’offre et la demande. A noter qu’Ebay revisitait simplement un mode commercial déjà établi par les Romains en 146 av. J.-C., dispersant ainsi les trésors pillés dans les cités grecques.
Il fallait se résoudre à une autre réalité : aucune chance d’arrondir sérieusement les fins de mois de cette manière. Le père des poulettes savait très bien pourquoi il ne comptait pas ses heures. Outre l’allocation de congé parental qui rétribuait mon travail de mère au foyer, c’était lui le seul véritable pourvoyeur de fonds.